Cadres et Cordes

Ce qui n'est pas dans les cordes de vos cadres, dans le domaine du web
Direction de projet web & stratégie de communication digitale
Utiliser le nom de marque d'un concurrent dans les mots-clefs d'une campagne SEA Google Ads
Utiliser le nom de marque d'un concurrent dans les mots-clefs d'une campagne SEA Google Ads

Les campagnes publicitaires Google Ads SEA font partie des leviers majeurs pour générer du trafic sur un site internet, difficilement contournables dans une stratégie de communication digitale. Mais est-il judicieux d’utiliser la marque d’un concurrent dans les mots-clefs (ou keywords) de vos campagnes ?

Bien que certaines agences peu scrupuleuses continuent à le prôner, utiliser le nom de marque d’un de vos concurrents dans les mots-clefs de vos annonces Google Ads SEA est définitivement une mauvaise idée : voici les 6 raisons de ne PAS le faire.

Cette technique étant, par ailleurs, aussi utilisée par les cybercriminels, Google l’a, de plus en plus, dans le « collimateur » et met désormais à disposition un moyen de la leur signaler.
Mais tout d’abord situons le contexte. 

Google Ads SEA: définition

Explication de départ pour ceux qui ne connaissent pas le principe des campagnes dites SEA (Search Engine Advertising) qui permettent de publier des annonces publicitaires (marquées « Sponsorisé » ou « Annonce ») dans les SERP (Search Engine Result Page) soit page de résultat des moteurs de recherche.
Exemple : si vous faites une recherche Google sur le mot-clef « garde de chien gratuite », et que vous obtenez le résultat ci-dessous (ce résultat évolue dans le temps) :

Résultat naturels (SEO) et payant (SEA) dans les SERP
SERP: résultats SEA et SEO
  • Les résultats « Emprunte Mon Toutou » et «Animal Futé » sont dits « naturels », issus du SEO soit du Search Engine Optimisation –Optimisation pour les moteurs de recherche- de leurs deux sites.
  • Le résultat « Amimalin », au dessus duquel apparait la mention « Sponsorisé » est issu d’une console publicitaire, nommée Google Ads (anciennement « Adwords »), et plus précisément d’une campagne de SEA, qui fonctionne en paramétrant les « mots-clefs » ou keywords (soit les expressions de recherche des internautes) à partir desquels on souhaite que nos annonces soient diffusées : ici Amimalin a paramétré dans sa campagne SEA qu’il souhaite que ses annonces soient diffusées (notamment) quand les gens saisissent le mot-clef « garde de chien gratuite ». 

(Pour vous former en un temps record sur toutes ces notions et leur fonctionnement, utilisez la formation web « Rafale » que nous avons conçu pour vous).

Jusque là tout est normal et dans notre exemple, Amimalin utilise, pour générer ses annonces publicitaires, un terme générique (« garde de chien gratuite ») parmi ses keywords, terme générique qui n’appartient à personne et appartient à tout le monde (Amimalin compris).
Jusque là tout va bien, donc.

SEA ou SEO, résultats payants ou naturels: qui voit la différence ?

Il faut savoir aussi que 50% des internautes ne voient pas la différence entre ces annonces SEA (marquées « Sponsorisé ») et les résultats SEO dits « naturels ». Aussi incroyable que cela puisse paraitre à un professionnel du web (et à l’autre moitié des internautes), certains doivent donc se dire que, dans l’exemple précédent, Amimalin a la chance d’être « sponsorisé » mais on ne sait pas trop par qui ni pourquoi, ça doit être assez mystérieux, le terme « sponsorisé » étant ambigu, et pouvant même apparaître comme une mise en avant honorifique !

Cette mention, délibérément discrète pour maximiser le chiffre d’affaires de Google, était historiquement plus claire avec des mentions « annonce » ou « liens commerciaux », ou un halo de couleur (d’un très joli rose, même parfois).
A savoir également pour comprendre la problématique, le taux de clic est, statistiquement, de loin le plus fort sur la 1ère position des SERP (le plus grand nombre de clics se concentrent sur cette 1ère position), ce taux diminuant drastiquement en descendant dans la page.
Jouant sur cette confusion des internautes (pour au moins 50% d’entre eux), certaines sociétés vont en profiter pour détourner à leur profit le trafic de notoriété de leurs concurrents.

Nom de marque dans Google Ads SEA: un mot-clef presque comme un autre:

Pour comprendre la problématique, il faut déjà comprendre que le nom de votre marque, dans la mesure où il est recherché par les internautes (si vous avez un minimum de notoriété) devient pour Google (ou autre moteur de recherche) un mot-clef comme un autre. Pour Google, c’est une requête de recherche, un keyword comme un autre, rien de plus a priori.

Google empêche seulement l’utilisation d’un nom de marque (qui n’est pas le vôtre) dans le texte d’une annonce sous réserve que vous ayez fait une sorte de « dépôt de marque » dans Google Ads. Mais (et c’est une aberration sur laquelle ils sont en train de revenir) Google n’empêche pas cette utilisation dans les mots clefs d’une campagne Google ads SEA.

Utilisation du nom de marque d’un concurrent en guise de mots-clefs :

Profitant de cette confusion entre SEA et SEO pour bon nombre d’internautes, de la distraction des autres qui ont une forte propension à cliquer sur le 1er résultat de la page, mais également de l’impossibilité (actuelle) des sociétés à l’empêcher,  certains annonceurs, peu scrupuleux, en profitent pour détourner le trafic de notoriété d’une société concurrente en générant leurs annonces quand les internautes font une recherche sur le nom de marque d’un de leur concurrent.

Le plus simple pour expliquer est de prendre un exemple : l’utilisation par Animaute du mot-clef « Animal Futé » (dont je suis la fondatrice) – la photo date de 2016, d’où la mention « annonce » et non « sponsorisé »-.

Utilisation par Animaute du nom de marque "Animal Futé" en SEA, version ordinateur
Utilisation par Animaute du nom de marque "Animal Futé" en SEA, version ordinateur
Utilisation par Animaute du nom de marque "Animal Futé" en SEA, version mobile
Utilisation par Animaute du nom de marque "Animal Futé" en SEA, version mobile

Dans l’exemple ci-dessus, on peut observer que:

  •  sur la version ordinateur (à gauche), on ne voit qu’à peine le nom de la société « Animaute » (cherchez bien: il ne se voit qu’au niveau du lien vert): la confusion pour l’internaute est donc quasi-parfaite et il y a de fortes chances qu’il clique sur le premier résultat, en pensant « atterrir » sur la page du site correspondant à sa recherche, soit celle d’Animal Futé ». Et bien non: il atterrira sur celle de son concurrent Animaute.
  • sur la version mobile (à droite), on voit que le résultat naturel correspondant à la recherche réelle de l’internaute (soit « Animal Futé ») est, cette fois, complètement occulté par l’annonce d’Animaute, compte-tenu des extensions de son annonce (liste de liens en bleus à partir de « Promenades & Soins »). La probabilité de succès du détournement du trafic de notoriété d’Animal Futé est, ici, de plus en plus proche de 100%.
 
Si vous vous mettez dans la peau de celui dont on usurpe le trafic de notoriété (ici: le site « Animal Futé »), vous imaginerez assez bien à quel point ce type de méthode est horripilant pour celui/celle qui la subit…
 

Comment se débarrasser de ce parasitisme sur sa marque ou le contrer ?

Règlement amiable

Dans 95% le cas, le sujet se règle à l’amiable et sans aucune difficulté. Cette diffusion sur votre nom de marque peut même être tout-à-fait involontaire et accidentelle si votre concurrent fait une campagne en définissant ses mots-clefs de façon « large », auquel cas Google va diffuser ses annonces sur des termes qui sont proches de son activité, votre nom de marque étant alors automatiquement « embarquée » dans ces mots-clefs proches.
La solution est alors toute simple et le sujet se règlera le plus souvent aussi simplement que ça : passez un coup de fil à ce concurrent a priori indélicat (mais qui, la plupart du temps, l’ignore et est de bonne foi -ou feins de l’être-) et demandez-lui de « mettre votre marque dans ses mots-clefs en négatif ». Ce qui signifie qu’il bloquera toute diffusion de ses annonces sur votre nom de marque.
Dans 95% des cas, le sujet se règlera comme ça (mais encore faut-il s’en rendre compte : cf dernier point de cet article.)

Jurisprudence

Dans les 5% restants, le sujet va être plus complexe à régler.
Mais que faire face à un concurrent qui se targue d’avoir le droit de le faire (ce qui fut mon cas, dans l’exemple Animaute ci-dessus) et refuse de cesser de diffuser ses annonces sur le mot-clef correspondant à votre marque ?
A ce stade, il faut préciser qu’en effet, actuellement, la jurisprudence ne va, hélas, majoritairement pas dans le sens de la protection de l’entrepreneur qui essaie de défendre sa marque.
Certains arrêts sont favorables (ex : https://www.dreyfus.fr/2010/06/18/google-adwords-en-mots-clefs-negatifs-ne-pas-inscrire-les-marques-de-ses-concurrents-est-une-faute/ ) mais la plupart ne le sont pas et reflètent, sans doute, une méconnaissance d’internet par les magistrats. Globalement, ces arrêts partent du principe qu’il n’y a pas de risque de confusion (si peu ! ). Exemples : Cass Com 29 janvier 2013 n°11-21-011 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027024140/ ou arrêt du TGI de Paris du 5/3/2015 « Interflora c/ Florajet » ( https://www.village-justice.com/articles/Affaire-Interflora-Florajet-sur,19352.html : apparait dans cet arrêt un exemple flagrant de la méconnaissance d’internet par les magistrats : ils reprochent à Interflora de ne pas avoir apporté la preuve de sa notoriété, alors que la preuve de la notoriété d’Interflora est apportée par le mécanisme même de Google Ads: nul besoin d’en apporter une preuve supplémentaire. En effet, si l’annonce de son concurrent est diffusée lorsque un internaute recherche « Interflora », c’est précisément parce qu’Interflora A une notoriété, sans quoi pour quelle raison cet internaute ferait-il une recherche sur le nom de marque Interflora ?! Par ailleurs, ce que l’avocat d’Interflora aurait pu apporter en complément d’information, c’est aussi le nombre de recherches mensuelles faites sur ce nom (appelé « volume » de recherche en jargon Google), ce qui aurait pu permettre de quantifier cette notoriété incontestable (ce que n’importe quelle enquête de notoriété aurait pu confirmer par ailleurs).

Tant que cette jurisprudence n’est pas inversée (souhaitons qu’elle le soit bientôt) les avocats spécialistes du numérique s’arrachent les cheveux sur ce sujet et vous recommandent, face à ce type de pratique peu recommandable, d’«en faire autant » !

(Vous noterez cependant que personne, étonnement, ne s’amuse à utiliser le nom de marque d’Amazon ou d’Apple, sans doute par peur d’affronter leur service juridique… ).

Et c‘est ainsi, probablement tous conseillés de la même façon par nos avocats respectifs, que nous fumes, un beau jour, 4 concurrents exaspérés à enchérir sur le mot-clef de notre concurrent « Animaute », pour lui rendre la monnaie de sa pièce, jusqu’à ce qu’il se décide enfin à cesser.

Les 6 raisons de ne PAS enchérir en SEA sur le nom de marque de votre concurrent

1) La première raison est assez basique : il s’agit d’abuser les internautes et, sauf cas très particulier, (marketplaces), rien ne justifie de telles pratiques.
2) Pour tous ceux qui connaissent le fonctionnement de Google Ads, vous passez pour un drôle de loustic (pour ne pas dire le fond de ma pensée, beaucoup moins joli), ce qui n’est pas bon pour votre image.
3) Pour les internautes qui cherchent un site précis (pas le vôtre), le fait de les avoir détourné de leur objectif en les entrainant sur autre chose que leur recherche peut les agacer aussi : pas bon pour votre image bis.
4) Si, en plus, vous ne proposez pas exactement la même chose que le service de votre concurrent, intéressez-vous au Quality Score (ou Niveau de Qualité) du mot-clef en question dans votre campagne Google Ads SEA: vous risquez fort de constater -et c’est parfaitement logique quand on connait la définition du QS- qu’il est très mauvais (c’est le constat que j’ai fait en le testant tel que ci-dessus). Ce qui veut dire que le prix du clic correspondant va être beaucoup plus fort que les mots-clefs ordinaires de votre activité. 
5) Intéressez-vous ensuite au taux de conversion en face de ce mot-clef, et vous allez très probablement mesurer encore à quel point il est mauvais, puisque vous proposez aux internautes autre chose que ce qu’ils cherchent..
6) Par ailleurs, exaspérer vos concurrents avec ce type de pratique n’est jamais bon ! S’ils n’engagent pas de poursuites (faute de pouvoir, actuellement, le faire), ils peuvent se venger de toutes autres façons et vous vous exposez à des « effets boomerangs » divers et variés. A titre personnel, je n’ai pas manqué l’occasion, lorsque j’ai eu un jour en ligne un journaliste qui cherchait à couvrir toutes les formules de garde d’animaux pour l’émission Capital, de vanter les mérites de son concurrent direct.

En résumé: enchérir sur la marque de son concurrent nuit à votre image, ne sert à rien, coute cher et  énerve le concurrent dont vous utilisez le nom : pourquoi s’obstiner ?

Comment vous rendre compte de la diffusion d’annonces de vos concurrents sur votre nom de marque ?

Parce que vous ne surveillez pas tous les jours ce qui se passe dans les SERP quand les gens cherchent votre marque, et parce qu’un concurrent délibérément indélicat peut aussi pousser le vice jusqu’à diffuser ses annonces en excluant la zone géographique de votre siège social, comment vous rendre compte de l’utilisation de votre marque (puis comment vous en protéger) ?

Suivre le CTR dans GSC:

Comme vous ne le savez peut-être pas, à défaut de pouvoir suivre les recherches naturelles par mots clefs dans Google Analytics (« not provided » depuis 2011), vous avez la possibilité de suivre les requêtes des internautes en passant par GSC (Google Search Console). Et parmi ces requêtes, celles sur votre marque apparaitra en clair.
A ce niveau, vous allez pouvoir suivre un indicateur précis : celui du CTR (ou taux de clic). Si vous êtes bien toujours en 1 dans les SERP, ce CTR doit être d’environ 60/70%. S’il est en dessous de ce chiffre, c’est qu’il se passe quelque chose d’anormal : l’utilisation de votre nom de marque dans une annonce concurrente n’est alors pas exclue et vous allez ensuite pouvoir enquêter sur le sujet.

Comment vous protéger de la diffusion d’annonces de vos concurrents sur votre nom de marque ?

Diffuser une annonce sur votre propre nom de marque

Si vous soupçonnez un de vos concurrents de diffuser ses annonces en utilisant votre nom de marque (elles ne sont pas diffusées en permanence), le plus simple est alors de générer, vous-même, une annonce sur votre propre nom.

  • Dans  ce premier exemple, RAJA diffuse une annonce sur son propre nom pour se protéger de celle de CGE: le QS (Quality Score) étant, logiquement, bien supérieur, votre annonce sera fort probablement toujours en tête sur votre propre nom.
SEA Enchérir sur son propre nom de marque pour se protéger
  • Dans ce deuxième exemple, Semjuice diffuse une annonce pour se protéger, à titre préventif (ou parce que la diffusion de celle de son concurrent est irrégulière). 
SEA Protéger son nom de marque sur Google Ads

Certes il est toujours un peu « rageant » de payer du Google Ads et une annonce générée sur des recherches correspondant à votre propre nom, mais, à l’inverse de ce que nous avons vu précédemment (puisque la situation est ici inversée), le Quality Score sera excellent et le prix du clic très faible. Il vaut mieux donc adopter ce type de tactique de protection, au moins provisoirement et jusqu’à ce que le parasite de service se décourage de « siphonner » votre trafic de notoriété.

Dans  certains cas, ce type d’annonce sur son propre nom permet aussi de diriger les internautes vers une page précise de son site (plutôt que la home): Apple le fait parfois pour diriger vers la page de son dernier Iphone, par exemple.

Cette méthode peut également être utilisée pour que votre site apparaisse (en particulier en version mobile) avant votre page Google Business Profile (anciennement Google My Business), qui apparait le plus souvent en premier.

Nouvelle possibilité pour se protéger: signaler l'annonce à Google

Cette possibilité technique de détourner du trafic de notoriété étant de plus en plus utilisée par des cybercriminels, Google ads est (enfin) en train d’en durcir la possibilité. Espérons qu’ils prévoient tout simplement un jour la possibilité de bloquer toute diffusion d’annonce par un tiers sur le nom de marque d’une société qui ne leur appartient pas.
Enfin, bonne nouvelle, voici déjà une nouveauté proposée par Google où apparait en évidence leur souhait de traquer d’une part les cybercriminels et d’autre part l’utilisation abusive de marque : la possibilité de signaler une annonce précisément sur ces deux thématiques
Si vous voyez une annonce qui utilise votre nom de marque (et qu’un coup de fil demandant l’ajout en négatif a été vain), vous pouvez « signaler l’annonce » (en cliquant sur les trois petits points verticaux à droite du nom de l’annonceur).

signaler une annonce Google ads
signaler une annonce Google ads

Ce signalement est une possibilité nouvelle (pour ce cas) qui dénote un changement dans la philosophie de Google Ads sur le sujet. Les entreprises désireuses de protéger leur nom de marque ne peuvent que s’en réjouir. Reste à savoir comment sont traités ces signalements, avec quelle réactivité, par des humains ou un robot, et quelle efficacité ils ont. Quoiqu’il en soit, c’est une possibilité et c’est mieux que rien. 

En conclusion

A l’instar des pratiques « black hat » en SEO (qui consistent à avoir l’arrogance de déjouer l’algorithme de Google en SEO), ce type de pratique en SEA, qui consiste à avoir l’arrogance d’utiliser impunément le nom de marque de votre concurrent, est à ranger définitivement dans le rayon des méthodes douteuses et sans intérêt.

Blandine Damour, chef de projet web, AMOA

Blandine Damour
Directeur de projet web, AMOA

Vous avez une préoccupation ou un projet web, contactez-nous

 

Article écrit par une Intelligence 100% humaine 

 ©Cadres et Cordes